Point mensuel – Juillet 2023

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Question pour les vacances : Objectif d’inflation, pourquoi 2% et non 3% ?

Par Alexandre Hezez, Stratégiste Groupe

Edito

L’inflation semble être maîtrisée, cependant, nous assistons à une décélération lente et continue de la hausse des prix aux États-Unis. Le resserrement monétaire semble toucher à sa fin. La hausse des prix des biens a connu une décélération assez marquée depuis plus d’un an, en commençant par celles des matières premières et des produits énergétiques. Une inflation persistante est largement attribuable au secteur des services, en particulier à l’augmentation des loyers. Les services de logement représentent un tiers de l’inflation. La correction du secteur immobilier devrait contribuer à modérer davantage l’inflation au deuxième semestre. À l’échelle mondiale, nous observons globalement les mêmes tendances, avec plus ou moins de variations temporelles. Tout se passe comme si la guerre menée par les banques centrales contre le fléau de l’inflation était sur le point d’être gagnée. Les marchés anticipent même des baisses de taux dès 2024, comme si nous étions sur le point de retrouver la normalité que nous connaissions.

Cependant, si nous partons du principe que l’inflation des dernières années est restée faible grâce à une mondialisation accélérée, des matières premières bon marché et une absence de conflits majeurs, l’année 2021 a marqué un certain renversement de tous ces facteurs. Le plus dur reste à faire : ramener l’inflation de 8% à 9 % à 3 % à 4 %, car les effets de base sont en action. Le passage à 1,5 % à 2 % sera certainement plus délicat. Franchir ces dernières marches risque d’être difficile, cela pourrait nécessiter un ralentissement substantiel de l’activité en raison de l’action continue et agressive des banques centrales. 

Un véritable casse-tête, alors même que des investissements colossaux sont nécessaires pour assurer une transition énergétique vitale en parallèle avec des niveaux de dette équivalents. Des appels à mettre en pause les hausses de taux d’intérêt entamées par les banques centrales se multiplient.

Mais quel serait le fondement d’une telle action alors que l’objectif d’inflation inscrit dans les mandats des banques centrales est clair : 2 % ? Au cours des nombreux débats que nous avons eus ces derniers mois, de plus en plus d’économistes, d’universitaires ou d’investisseurs discutent de l’objectif d’inflation inscrit dans les mandats des banques centrales. Le dogme des 2 % semblait être acquis depuis de nombreuses années et constitue le fondement même des modèles de politique monétaire de toutes les grandes banques centrales.

En zone euro, par exemple, la question pouvait sembler sans intérêt avant 2021. Depuis les années 2000, nous sommes passés d’une longue période d’inflation stable ou proche de 2 % à une période proche de 1 % où le risque de déflation était constant.

 Inflation et objectif de la Banque Centrale Européenne

Sources : Bloomberg, Groupe Richelieu

Dans un article publié dans le Nihon Keizai Shinbun, un quotidien économique japonais, Christine Lagarde a insisté sur le fait que la BCE doit « être extrêmement vigilante face à ces risques potentiels… en particulier en ce qui concerne les augmentations de salaires dans différents pays européens ». « Nous avons un mandat qui nous assigne un objectif, et non deux comme la Réserve fédérale. Notre objectif est la stabilité des prix« , a-t-elle déclaré, réaffirmant qu’elle se concentrerait sur le contrôle de l’inflation.

Source : https://asia.nikkei.com/Editor-s-Picks/Interview/ECB-chief-Lagarde-hints-at-rate-hikes-amid-stubborn-inflation

Les banques centrales restent confinées à leur objectif premier de stabilité des prix qui consiste, pour la BCE comme pour la Fed, à maintenir un taux d’inflation proche de 2 %. Selon elles, c’est leur crédibilité qui est en jeu.

Lors du forum de la Banque centrale européenne à Sintra, le FMI a appelé les banques centrales européennes à « tuer la bête » sans « pause ». Pour la directrice générale du FMI, la politique de resserrement monétaire de la BCE doit se poursuivre « jusqu’à mi-2024, afin de ramener l’inflation à son objectif de 2 % quelque part en 2025 ».

Tweet de Gita Gopinath , directrice générale adjointe du FMI

Cependant, dans un article récent, Olivier Blanchard, ancien chef économiste du FMI, a suggéré d’augmenter l’objectif d’inflation des banques centrales de 2 % à 3 % pour éviter que le resserrement monétaire n’entraîne trop de dégâts sur le marché de l’emploi. Ses arguments, tout en étant provocateurs, sont sensés, en particulier compte tenu du « dogme » largement accepté des 2 %. Ses objections ne sont pas récentes. Déjà en 2010, en tant qu’économiste senior auprès du FMI, il avait proposé lors d’une intervention au Club Finance HEC (https://club-finance.hec.fr/) que l’indice de référence de l’inflation actuellement à 2 % soit porté à 4 %, c’est-à-dire que les banques centrales ne devraient commencer à s’inquiéter que lorsque cette nouvelle limite serait atteinte.

L’objectif de 2 % a-t-il vraiment un fondement théorique ? Est-il possible de le modifier ? Paul Krugman, lauréat du prix Nobel 2008, défend également un objectif d’inflation de 3 %.  (https://www.gc.cuny.edu/sites/default/files/2022-03/Krugman-Credible-Irresponsibility-Revisited.pdf)

Selon lui, les changements apportés par la pandémie dans notre façon de travailler et nos choix d’achats ont démontré que les problèmes d’ajustements sont plus importants que nous ne le pensions. Ces derniers seraient peut-être plus facilement résolus si nous acceptions une inflation à 3 % ou même 4 %, plutôt que d’insister pour la ramener à 2 %. (https://www.challenges.fr/idees/inflation-non-il-ny-a-pas-de-spirale-prix-salaires_854991)

Jerome Powell, le président de la Réserve fédérale, s’est exprimé en mars contre une modification de l’objectif de 2 %, arguant que l’engagement de la banque centrale en faveur de ce taux contribuait à renforcer la confiance dans la stabilité des prix, malgré les pressions inflationnistes actuelles.

Un changement passé inaperçu a été effectué par la BCE en juillet 2021, mais qui demeure important. À l’origine, la définition de la stabilité des prix annoncée en octobre 1998 correspondait à une « hausse de l’indice des prix à la consommation harmonisée de la zone euro inférieure à 2 % ». En 2021, il a été indiqué que l’objectif était maintenant symétrique, suggérant que la BCE serait tout autant préoccupée par une inflation trop faible que par une inflation trop élevée.

Selon l’article 127 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, l’objectif principal de la BCE est de maintenir la stabilité des prix. Cependant, le Traité ne donne pas de définition précise de la « stabilité des prix », c’est à la BCE qu’il revient de déterminer une formulation opérationnelle.

Journal officiel de l’Union européenne Article 127

Source :  https://eur-lex.europa.eu/

L’objectif principal du Système européen de banques centrales est de maintenir la stabilité des prix. Cela ne signifie pas forcément 0 % d’inflation. En effet, si la stabilité des prix était l’objectif principal, alors pourquoi ne pas viser 0 % ?

Au-delà de tous les aspects théoriques et des débats entre économistes, une réponse pédagogique a été donnée lors des Rencontres de la politique monétaire à la Banque de France. Interrogé par l’influenceur Jean Massiet sur sa chaîne Twitch, le président François Villeroy de Galhau a comparé l’inflation à la température du corps humain : une déflation serait comme une anémie grave et une inflation supérieure à 2 % serait comparable à de la fièvre. Selon Olivier Garnier, Directeur Général de la Banque de France, les 2 % sont vus par les principales banques centrales comme une marge de précaution par rapport à 0 %.

Post Linkedin de Francois Villeroy de Galhau

Source : https://lnkd.in/e3SYV62i

Selon lui, il existe une incertitude inhérente aux mesures de l’inflation. Par exemple, il est difficile de prendre en compte l’amélioration de la qualité des biens et des services dans les indices des prix à la consommation. L’inflation réelle pourrait donc être légèrement inférieure à l’inflation mesurée. En visant 2 %, les banques centrales s’assurent d’avoir une marge de sécurité pour éviter la déflation, même si l’inflation réelle est légèrement inférieure à l’inflation mesurée.

Ensuite, une inflation légèrement positive peut aider à faciliter les ajustements économiques. Par exemple, il peut être difficile pour les employeurs de réduire les salaires nominaux, même lorsque les conditions économiques le justifient. Une inflation légèrement positive permet de réduire les salaires réels sans toucher aux salaires nominaux.

De plus, si l’inflation est trop basse, les taux d’intérêt nominaux risquent également d’être très bas, limitant ainsi la marge de manœuvre des banques centrales pour réduire les taux en cas de ralentissement économique.

Enfin, il est important de noter que l’objectif de 2 % a été largement adopté par les banques centrales du monde entier, ce qui renforce sa crédibilité. Modifier cet objectif pourrait semer le doute sur l’engagement des banques centrales à maintenir la stabilité des prix, ce qui pourrait à son tour nuire à leur crédibilité et à leur capacité à influencer les attentes d’inflation.

Cependant, certains économistes, comme Olivier Blanchard et Paul Krugman, ont suggéré que les banques centrales pourraient envisager de relever leur objectif d’inflation. Le débat sur l’objectif d’inflation approprié est complexe et implique des compromis entre différents objectifs de politique économique.

Il y a donc deux écoles qui s’opposent avec des argumentaires dont les origines sont diverses. Du coté de Blanchard et Krugman, ce qui importe c’est avant tout les souffrances sur le marché de l’emploi (https://www.lesechos.fr/monde/enjeux-internationaux/inflation-le-plaidoyer-de-leconomiste-olivier-blanchard-pour-relever-lobjectif-a-3-1958170), de l’autre côté c’est la promesse d’une stabilité des prix pour assurer une croissance pérenne.

Si nous nous plaçons du côté des banques centrales, le « fameux 2 % » n’est autre qu’une manière d’atteindre la stabilité des prix (donc proche de 0 % !) sans risquer la déflation.

Il est également important de noter que la politique monétaire ne peut pas résoudre tous les problèmes économiques. Les gouvernements doivent également mettre en œuvre des politiques fiscales et structurelles appropriées pour stimuler la croissance économique et la stabilité.

Le débat sur l’objectif d’inflation est un reflet des défis complexes et interconnectés auxquels les économies modernes sont confrontées. En fin de compte, l’objectif d’inflation de 2 % est basé sur un jugement d’équilibre entre les risques de déflation, les contraintes liées à la baisse des taux d’intérêt et la crédibilité des banques centrales. Si les conditions économiques changent de manière significative, il serait possible de revoir cet objectif, mais cela nécessiterait une évaluation minutieuse des avantages et des inconvénients potentiels. Nous sommes convaincus qu’il sera impossible de sortir du dogme, du moins tant que les risques d’une inflation structurelle restent ancrés. 

Il n’y a pas de solution unique à ces défis et la meilleure voie à suivre dépendra des circonstances spécifiques à chaque économie. Les décisions prises aujourd’hui auront des répercussions sur l’économie de demain, et c’est pourquoi il est crucial de maintenir un débat ouvert et éclairé sur ces questions.

CONVICTIONS

Une désinflation programmée pour quelques mois mais ….

Le schéma qui se dessine pour les prochains mois nous apparaît assez clair au niveau macroéconomique. Il y a certes des zones de doute ou d’ombre que nous surveillerons avec attention, notamment au niveau du rebond économique chinois, de la situation géopolitique et évidemment de l’inflation. Mais à l’heure actuelle, la dernière réunion à Sintra du Forum annuel des responsables de la politique monétaire européenne pendant deux jours a démontré que l’enjeu actuel n’était pas la croissance, mais bien le combat contre une inflation qui pourrait s’avérer persistante.

Le marché reste complaisant dans le fait que les banques centrales vont amorcer dès l’année prochaine un cycle de baisse des taux. Nous pensons qu’il ne faut pas s’attendre à des moments de cet acabit en 2024, du moins de la part de la Fed, de la BCE et de la BOE, même si la tendance à la désinflation s’affirme dans les prochains mois. La peur de ne plus être crédible après le retard pris en 2021 et la confiance démentie dans un reflux rapide de l’inflation sont également présentes. En effet, la Fed, mais surtout la BCE, ont attendu très, voire trop longtemps pour commencer leur resserrement respectivement en mars 2022 et en juillet 2022, alors que l’inflation avait déjà atteint des sommets historiques (8,5 % aux États-Unis, 7,4 % en zone euro). 

C’est aussi la crainte d’entrer dans une spirale de stop-and-go des années 70 qui a été un échec avant l’arrivée de Paul Volcker. La conclusion de ces deux expériences nous apparaît évidente : les banques centrales doivent monter leur taux d’intérêt à un niveau assez restrictif et en même temps à un niveau qui ne les oblige pas à les baisser en cas de crise.

Inflation des années 1970

Sources :  Bloomberg, Groupe Richelieu

L’épisode des banques régionales et la faillite des SVB et de quelques consœurs se sont révélés être un bon test. La Fed peut agir rapidement et fermement mais ne modifie pas sa stratégie. Il faudra donc attendre un certain temps avant d’être certains que l’inflation est maîtrisée, voire même attendre que les risques de déflation reviennent sur le devant de la scène ! (Nous verrons cela en 2025 ( J ). De manière générale, le travail le plus facile est en train d’être fait… ramener l’inflation de 8 % à 9 % vers 3 % à 4 %, car les effets de base sont en action. Le passage de 3 % à 4 % vers 1,5 % à 2 % sera certainement plus délicat.

Inflation 2018-2023

Sources : Bloomberg, Groupe Richelieu

À l’aube du 2ème semestre, il existe dorénavant un décalage au niveau de l’inflation, de la croissance et de la politique monétaire, qui détermine nos allocations d’actifs. 

Aux États-Unis, l’équilibre du moment

Au niveau de l’inflation :  une désinflation est en cours.

Aux États-Unis, une désinflation est en œuvre et devrait s’accélérer dans les prochains mois au niveau de l’inflation Core (hors énergie et matières premières), compte tenu de l’impact de la hausse des taux sur les loyers, qui commence juste à produire ses effets.

Le chemin vers un retour de l’inflation à la cible est donc bel et bien en cours. Au niveau de la politique monétaire, le job est pratiquement fait. Même si Jerome Powell maintient un discours agressif pour éviter que les marchés ne « jouent » la fin d’une normalisation agressive, il n’aura a priori besoin que d’une hausse supplémentaire après celle de juillet. Les taux devraient se maintenir à un niveau élevé dans les prochains mois et la courbe devrait progressivement s’aplatir au fur et à mesure de la prise en compte d’une politique durablement restrictive (hausse des taux longs). Les anticipations d’inflation restent ancrées ce qui constitue une bonne nouvelle.

Anticipation d’inflation 5 ans dans 5 ans

Sources : Bloomberg, Groupe Richelieu

Au niveau de la croissance économique : une étonnante résilience

La confiance des consommateurs devrait se redresser au fur et à mesure que les dynamiques d’inflation se tarissent. La croissance américaine a surpris par sa résilience au premier semestre 2023, soutenue par une demande des ménages toujours dynamique, particulièrement dans les services, où les dépenses des Américains sont revenues aux niveaux d’avant la pandémie. Notre prévision de croissance pour cette année est de +1,3 %. L’industrie est fragilisée par la baisse des carnets de commandes due au ralentissement de la demande domestique et mondiale, ainsi qu’aux coûts élevés pour les entreprises. La Fed fera tout son possible pour éviter une reprise économique forte qui pourrait s’avérer inflationniste. Le secteur immobilier pèsera moins négativement sur la croissance que ces derniers trimestres (les données les plus récentes indiquent un début de rebond de l’activité). Malgré des taux hypothécaires historiquement élevés, une inflexion dans le niveau d’activité de la construction s’opère face à un déficit d’offre de logements, à la réduction des coûts et des difficultés d’approvisionnement, ainsi qu’au retour de la main-d’œuvre étrangère.

Chômage et taux de participation aux Etats-Unis

Sources : Bloomberg, Groupe Richelieu

Impact sur les marchés : une confiance dans la Fed et l’économie

Nous continuons à rester constructifs sur les actifs américains, car nous pensons que la Fed est, pour le moment, la banque centrale la plus visible et crédible dans sa lutte contre l’inflation, sans créer de récession en 2023. La baisse du dollar devrait favoriser les exportations. Nous nous attendons à un rebond tactique sur les small et mid-caps face au positionnement baissier des investisseurs (les niveaux de détention restent faibles), aux valorisations, aux indicateurs techniques et aux facteurs macroéconomiques. De manière générale, nous éviterons les entreprises avec un taux d’endettement trop élevé.

Détention de small caps dans les portefeuilles

 Source : Bofa

Les grandes entreprises technologiques ont largement profité de l’IA et des perspectives encore inexploitées. Les taux d’intérêt devraient continuer leur progression. Les segments obligataires continuent de délivrer une rentabilité appréciable malgré les hausses de faillite. Nous privilégions les actifs de qualité sur l’ensemble des segments. Même si certaines tensions peuvent apparaître, les obligations Investment Grade américaines apparaissent comme la meilleure diversification contre un risque de récession (qui n’est pas notre scénario) dans un portefeuille diversifié.

En Europe :  des nuages malgré tout

Au niveau de l’inflation : encore du chemin

De nombreux membres de la BCE pointent les risques de désancrage des anticipations d’inflation et les incertitudes autour de l’évolution des prix. Bien que la fin du soutien budgétaire puisse aider la BCE à réduire l’inflation, les prix de l’énergie restent un risque dépendant des conditions climatiques et des circuits d’approvisionnement, ce qui pourrait générer de nouvelles tensions dans les mois à venir.

Détention de small caps dans les portefeuilles

Sources :  Bloomberg, Groupe Richelieu

Au niveau de la politique monétaire : crédibilité vis-à-vis de l’inflation avant tout

La Banque centrale européenne ne voit pas encore suffisamment de preuves que l’inflation sous-jacente est sur une trajectoire descendante. Il est nécessaire d’observer une décrue significative de l’inflation sous-jacente pour envisager d’arrêter la remontée des taux. Isabel Schnabel a été claire sur le fait qu’il était préférable de prendre le risque « d’en faire trop plutôt que pas assez ».

Bien que la divergence persiste au sein de la zone euro, avec une industrie en contraction, ces derniers ralentissent, ce qui constitue une bonne nouvelle pour la BCE dans sa perspective de lutte contre l’inflation. En effet, le tassement de l’activité dans le secteur des services reste nécessaire afin d’obtenir la diminution de la partie sous-jacente de l’inflation qui est toujours trop élevée aujourd’hui. La politique monétaire devra être maintenue durablement en territoire restrictif, et la BCE pourra compter sur le retrait progressif des dépenses publiques. Nous prévoyons au moins 2 hausses de taux supplémentaires.

Principaux taux directeurs de la BCE

Sources : Bloomberg, Groupe Richelieu

Au niveau de la croissance économique : le dynamisme est en berne

Les indices d’activité PMI de la zone euro ont fait état d’un ralentissement significatif de l’activité économique, ce qui a occasionné un vif regain de craintes récessionnistes. La situation allemande semble un cran plus rassurante, mais les services y sont également pénalisés, signe que la demande des ménages reste toujours mal orientée dans le contexte inflationniste très présent outre-Rhin. Si la fin du soutien budgétaire peut constituer une aide pour la BCE dans sa lutte contre l’inflation, les prix de l’énergie restent un risque dépendant des conditions climatiques et des circuits d’approvisionnement, pouvant générer de nouvelles tensions dans les mois à venir.

PMI de la Zone Euro

Sources : Bloomberg, Groupe Richelieu

Impact sur les marchés : Une pression des banques centrales nécessaire

La dégradation économique conjuguée à des banques centrales des plus restrictives nous amène à être prudents sur les actifs actions européens. Le Royaume-Uni reste particulièrement sous pression. Certains secteurs sont à privilégier compte tenu de certains effets de rattrapage, tels que le secteur bancaire (les fondamentaux restent bons et la prime de risque reste élevée) ou les secteurs à croissance visible qui ont souffert de la vitesse de la hausse des taux (services aux collectivités, santé). Le secteur du luxe, sur lequel nous avions une forte conviction, devrait pâtir de son succès à court terme et sous-performer dans les prochains mois, sans remettre en cause sa croissance à long terme. Nous adoptons également une position plus défensive dans notre positionnement sectoriel et privilégions les secteurs non cycliques.

Au niveau obligataire, nous privilégions les durées courtes et les segments les plus équilibrés en termes de risque/rendement (BBB/BB). Nous pensons qu’il pourrait y avoir quelques tensions sur les taux à mettre à profit au cours du trimestre. Le marché semble marquer une pause, justifiée après le resserrement des spreads ces dernières semaines, qui a suivi l’accalmie sur le secteur bancaire et un marché primaire très actif, notamment pour les financières.  A court terme, nous sommes plus prudents malgré les taux de rentabilité affichés. Nous avons réduit notre risque et sommes désormais neutres sur l’Investment Grade après la bonne performance des dernières semaines. Nous ne voulons pas nous priver du carry et nous positionnons sur des instruments permettant d’avoir un bon rendement, mais avec un risque plus faible, comme certaines hybrides corporates.

Spreads de crédit Europe crossover ( rating BBB/BB)

Sources : Bloomberg, Groupe Richelieu

Au Japon :  un engouement peut être un peu excessif

Au niveau de l’inflation : la BoJ ne croit toujours pas à l’inflation

La publication des données d’inflation CPI confirme que les pressions inflationnistes sont de plus en plus durables, atteignant un niveau record depuis 42 ans. L’inflation de base s’est accélérée en juin et est restée supérieure à l’objectif de 2 % de la banque centrale pour le 13e mois consécutif, signe que les hausses de prix s’étendent à d’autres secteurs de l’économie. La pression inflationniste reste forte car il y a peu de signes que les entreprises ont fini d’augmenter leurs prix. Une enquête menée auprès de producteurs de denrées alimentaires a montré qu’ils prévoyaient d’augmenter ceux de nombreux articles cette année.  La forte demande intérieure et les changements dans le comportement des entreprises en matière de fixation des prix sont de nouveaux facteurs qui poussent l’inflation à la hausse.

Au niveau de la politique monétaire : le prisme historique de la déflation devrait disparaitre

Les marchés se concentrent sur les nouvelles projections trimestrielles de croissance et d’inflation de la Banque du Japon (BOJ), attendues lors de la prochaine révision des taux les 27 et 28 juillet, afin d’obtenir des indices sur la date à laquelle la banque centrale pourrait mettre fin à ses mesures de relance. Le gouverneur de la BOJ, Kazuo Ueda, a déclaré à plusieurs reprises que la BOJ maintiendrait une politique ultra-souple jusqu’à ce qu’une croissance plus forte des salaires maintienne l’inflation durablement autour de son objectif de 2 %. Pour l’instant, la BOJ reste dans une optique où l’inflation refluerait à un moment donné compte tenu des perspectives de l’économie mondiale. Cependant, nous pensons qu’elle devra s’y résoudre au 3ème trimestre. Cela ne sera pas sans conséquence sur les taux au niveau mondial, compte tenu des positions importantes du Japon sur les obligations d’États étrangères. Nous conservons un biais négatif sur les taux d’État dans cette optique.

Au niveau de la croissance économique : rattrapage en cours

La confiance des entreprises japonaises s’est améliorée dans tous les domaines, ce qui conforte notre opinion selon laquelle l’économie du pays se redresse progressivement. Le PIB du premier trimestre a été révisé à la hausse grâce à des investissements plus importants que prévu des entreprises privées, qui semblent avoir profité de l’amélioration de la situation sur les chaînes d’approvisionnement. La croissance des investissements non résidentiels des entreprises privées a notamment été bien plus importante. L’économie japonaise est toujours en mode de rattrapage.

Confiance du consommateur au Japon

Sources : Bloomberg, Groupe Richelieu

Impact sur les marchés : les taux réels négatifs japonais ne devraient pas durer

Les taux réels japonais restant négatifs en raison de la politique ultra-accommodante de la BOJ, cela continue de favoriser à court terme les actifs risqués. Cependant, cela ne devrait pas durer. Notre position reste neutre sur les actions japonaises compte tenu de l’approche de la fin de cette politique, qui devrait permettre un retournement positif de la devise. Nous privilégions les actions japonaises sans couverture de change. La hausse du yen pourrait avoir un impact très négatif sur les entreprises exportatrices dans la seconde moitié de l’année. Nous privilégions les entreprises de croissance innovante et les valeurs cycliques qui devraient profiter de la bonne tenue de l’économie.

Yen & intervention

Source : Financial Times

En Chine, tous les indicateurs économiques renforcent la nécessité de soutenir l’activité

Au niveau de l’inflation : aucun frein à une politique accommodante

La Chine continue de se démarquer des pays développés où les prix ont constamment augmenté, notamment dans le secteur alimentaire. Contrairement au reste du monde, la Chine ne connaît pas d’inflation. En attendant un rétablissement plus net de l’activité industrielle, sa faiblesse joue un rôle favorable pour freiner l’inflation mondiale. À l’inverse, une reprise plus importante en fin d’année pourrait entraîner une dynamique des prix à la hausse, mettant ainsi la BCE notamment dans une situation inconfortable.

Inflation et prix à la production en Chine

Sources :  Bloomberg, Groupe Richelieu

Au niveau de la politique monétaire : en attente de la pause « Fed »

Le soutien monétaire devrait également être renforcé alors que la banque centrale chinoise a réitéré son intention d’augmenter son aide à l’activité, tout en veillant à limiter son impact sur le marché des changes et sur l’immobilier. En effet, les derniers plans de relance chinois ont été marqués par des bulles spéculatives qui se sont révélées néfastes. D’un autre côté, l’enquête de la PBoC auprès des banques montre une nette baisse de la demande de prêts de la part des entreprises, ce qui nécessite une action ciblée. Ceci devrait favoriser une poursuite du rebond économique chinois au deuxième semestre, limitant ainsi le risque de voir la croissance mondiale rechuter significativement. Nous pensons que la fin de la hausse des taux de la part de la Fed devrait permettre une action plus conséquente. En effet, la PBOC est pour l’instant limitée par l’impact sur sa devise face à un dollar renforcé par les hausses de taux successives. Le yuan poursuit son mouvement de dépréciation, ce qui pousse la Banque populaire de Chine à renforcer son soutien à la devise. Cette situation est défavorable à court terme, mais elle devrait s’inverser compte tenu de notre scénario (fin de la politique monétaire agressive de la Fed). La banque centrale chinoise devrait être l’une des banques les plus accommodantes en réduisant les taux afin de soutenir la consommation et l’investissement.

Taux des principales banques centrales émergentes

Sources :  Bloomberg, Groupe Richelieu

Au niveau de la croissance économique : décevante pour l’instant

Il n’y a pas encore de rebond en Chine, où la production industrielle stagne et ne profite pas de la fin des restrictions liées à l’épidémie. L’indice PMI manufacturier chinois Caixin résiste malgré tout. Pour les autorités chinoises, un soutien plus important est nécessaire, et la banque centrale a ouvert la voie à son renforcement, tout en rappelant qu’elle souhaitait éviter des mouvements trop importants sur le marché des changes. La contraction des importations est en partie due au ralentissement de la demande mondiale, qui affecte à son tour les importations chinoises de pièces et de composants. Le secteur chinois de la logistique a progressé à un rythme plus rapide en juin, ce qui indique que nous devrions avoir de meilleures perspectives dans les prochains mois. La consommation des ménages devrait rester le principal moteur de la croissance. Après Antony Blinken, le chef de la diplomatie américaine, le voyage de Janet Yellen en Chine pour y rencontrer des officiels chinois démontre les efforts et l’importance d’une économie chinoise en croissance pour les États-Unis, malgré les tensions géopolitiques et les questions de sécurité nationale. En moins de deux mois, ce changement de ton est un catalyseur positif.

Source :  twitter

Impact sur les marchés : un deuxième semestre sous de meilleurs auspices

Les marchés émergents, en particulier les marchés chinois, ont sous-performé depuis le début de l’année malgré des perspectives d’inflation encourageantes et un regain économique. Les actions chinoises ont été frappées par un triple coup dur depuis leur sommet en 2021. Le gouvernement a lancé une surenchère réglementaire sur les entreprises, la politique rigide du zéro Covid a écrasé la demande et le secteur immobilier s’est effondré. La réouverture progressive de l’économie, notamment à la suite d’un mouvement de protestation, n’a pas encore donné ses fruits. En début d’année, nous pensions que la réouverture se concrétiserait à partir du deuxième semestre et que les marchés anticiperaient en avance. Si le doute persiste, notre scénario n’a pas changé. Après un début d’année morose, les flux d’investissement étrangers alloués aux actions des marchés émergents ont bondi en mai. Les données de Lipper indiquent 2 milliards de dollars d’entrées de capitaux entre le 3 et le 24 mai, ce qui est un bon signe. Les flux des fonds d’actions en faveur de l’Inde sont à souligner, ayant atteint au cours du mois leur plus haut niveau sur neuf mois. L’amélioration du sentiment envers les émergents peut s’expliquer par l’écart de valorisation par rapport aux actions des marchés développés ainsi que les prévisions de croissance divergentes pour le second semestre de 2023. Les obligations émergentes devraient également profiter d’une moindre tension de la Fed et de leur propre politique monétaire qui a commencé bien avant celle des banques développées. Si le scénario de croissance chinoise se met en place, les matières premières devraient entamer un rebond au troisième trimestre.

Marchés actions émergents versus le reste du monde

Sources :  Bloomberg, Groupe Richelieu

RÉSUMÉ :

Nous abaissons à court terme notre vue sur l’obligataire tactiquement au profit du cash qui nous semble bien rémunéré et permet d’attendre les prochaines échéances des banques centrales. 

Nous restons investis sur les actions en privilégiant principalement les Etats-Unis (pour leur visibilité tant en terme macro que monétaire) et les pays émergents dont la chine (pour les politiques monétaires plus accommodantes et une accélération des perspectives de croissance au deuxième semestre).

Au vu des taux réels qui devraient être maintenus à des niveaux élevés et des perspectives d’inflation à la baisse cette année, nous sommes négatifs sur l’or.

Le dollar devrait être encore sous pression compte tenu du différentiel d’attitude de la Fed et la BCE.

Le pétrole devrait rebondir au fur et à mesure que le marché retarde les perspectives de récession sur 2023.

CONCLUSION EN TERME D’ALLOCATION D’ACTIFS

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