Au commencement était l’American Rescue Plan Act of 2021
Point Macro
Source : U.S. Bureau of Labor Statistics
L’inflation a été un sujet majeur de préoccupation économique ces dernières années. Elle était initialement considérée comme transitoire, mais elle a continué d’augmenter, dépassant les attentes de la plupart des économistes. La reprise économique, l’apparition de variants, la guerre en Ukraine et la fermeture de l’économie chinoise y ont contribué.
L’inflation était initialement considérée comme transitoire, car elle était due à des facteurs temporaires, telles que les perturbations de la chaîne d’approvisionnement mondiale et la reprise de l’économie après la pandémie de Covid-19. Cependant, elle a continué d’augmenter, dépassant les attentes de la Fed, qui a été contrainte de relever ses taux d’intérêt de manière historique.
Nous sommes tous confrontés à la même poussée inflationniste, mais la situation est différente en Europe et aux États-Unis. Cette différence est due à un choc d’offre lié à la guerre en Ukraine. L’Europe est plus dépendante des importations d’énergie et d’alimentation que les États-Unis, ce qui la rend plus vulnérable à la hausse des prix de ces biens.
Il y a bien évidemment une inflation liée à la demande en Europe, mais elle est moins importante qu’aux États-Unis. La politique monétaire, par nature, agit principalement sur la demande en influençant le coût de l’argent et la quantité de monnaie en circulation. La politique monétaire américaine est donc plus susceptible d’avoir un impact sur l’inflation que la politique monétaire de la Banque Centrale Européenne, qui est également confrontée à des chocs d’offre.
Graphique : Inflation dans le monde
Sources : Bloomberg, Richelieu Gestion
L’inflation est un enjeu majeur dans le monde entier, mais en ce qui concerne les marchés financiers, nous pensons que l’inflation américaine et la politique monétaire qui en découle sont au cœur des décisions d’allocation.
A posteriori, la plupart des spécialistes ont été surpris par la force de l’inflation. Cependant, lorsque nous nous replongeons en 2021, bien avant que l’inflation ne s’envole, des économistes keynésiens comme Larry Summers ou Olivier Blanchard s’opposaient à d’autres économistes keynésiens comme Janet Yellen ou Paul Krugman.
Comme nous l’avions souligné dans notre point mensuel de février 2021, le débat était rude. L’histoire a donné raison aux premiers.
Au commencement était American Rescue Plan Act of 2021.
Le plan de relance de Joe Biden a suscité la polémique parmi les grands économistes du clan démocrate. Certains, comme Larry Summers, ancien secrétaire au Trésor et conseiller économique de Barack Obama, ont mis en garde contre le risque d’inflation.
En février 2021, Summers et Paul Krugman, prix Nobel d’économie, ont débattu à ce sujet à l’École de Princeton. Le titre du débat était éloquent : « Le plan de relance de Biden va-t-il conduire à l’inflation ? »
Larry Summers a fait valoir quatre points :
– Le plan de relance, d’un montant de 1 900 milliards de dollars, est « extrêmement important » et le montant des dépenses est bien supérieur au déficit de production estimé.
– Il va « bien au-delà de ce qui est nécessaire » pour aider les victimes de la crise de Covid-19.
– « Nous risquons une sorte de collision inflationniste » si le train de mesures fait grimper l’inflation, la Fed pourrait par inadvertance provoquer une récession en essayant d’étouffer l’inflation par des taux d’intérêt plus élevés.
– Cette somme d’argent serait mieux dépensée en investissements publics à long terme.
Olivier Blanchard, ancien chef économiste du FMI, a également tiré le signal d’alarme. Il propose alternativement d’en financer une partie par une taxe sur les gains en capital. Face à ces inquiétudes, certains économistes estiment que le risque de n’en faire pas assez pour aider à résorber le chômage est plus grand que le risque inflationniste.
Voici quelques précisions supplémentaires sur les arguments de Summers :
– Il a comparé le plan de relance de Biden à celui de 2009, qui était environ deux fois moins important que le déficit de production de l’époque.
– Il a également souligné que le plan de Biden est six fois plus important que le déficit à combler.
– Il a conclu que le plan de Biden était « un pari très risqué » qui pourrait « entraîner des conséquences économiques négatives« .
Son analyse était un rappel important que les politiques économiques peuvent avoir des effets à long terme.
Il n’était pas le seul à le penser. Olivier Blanchard, ancien chef économiste du Fonds Monétaire International (FMI), avait lui aussi tiré le signal d’alarme. Si le montant du nouveau plan de relance était adopté par le Congrès, Olivier Blanchard proposait alternativement d’en financer une partie par une taxe sur les gains en capital. Il estimait que cela serait « juste, offrirait une protection et limiterait la surchauffe« . Face à ces inquiétudes, certains économistes estimaient que le risque de ne pas en faire assez pour aider à résorber le chômage était plus grand que le risque inflationniste. Il a proposé d’en financer une partie par une taxe sur les gains en capital, qui est un impôt sur les profits réalisés lors de la vente d’un actif, comme une action ou un bien immobilier. Il a également estimé que cette taxe « offrirait une protection » contre l’inflation en réduisant la quantité d’argent en circulation.
Tweet d’Olivier Blanchard
Source : X (ex Twitter)
En 2021, Paul Krugman, Janet Yellen et Jérôme Powell ont été parmi les nombreux économistes qui ont soutenu que l’inflation était transitoire.
Paul Krugman, prix Nobel d’économie, a écrit dans le New York Times en juillet 2021 que l’inflation était élevée, mais qu’elle était due à des facteurs temporaires. Il a déclaré que les perturbations de la chaîne d’approvisionnement devraient s’atténuer à mesure que l’économie mondiale se remet de la pandémie. Et les dépenses des consommateurs devraient se normaliser à mesure que les ménages s’endettent de plus en plus.
Janet Yellen, secrétaire au Trésor, a déclaré à plusieurs reprises en 2021 qu’elle était convaincue que l’inflation était transitoire et que le risque le plus important était que les États-Unis n’en fassent pas assez pour faire face à la pandémie et aux problèmes de santé publique.
Jérôme Powell, président de la Réserve Fédérale, a également dit en 2021 que les pointes d’inflation à venir seraient temporaires, que la banque centrale ne serait pas contrainte de remonter plus vite que prévu ses taux d’intérêt. Il a maintenu l’idée qu’un retour rapide des tendances inflationnistes élevées n’était pas probable après 25 ans de désinflation régulière et il a insisté sur le fait que la Fed avait les outils pour lutter contre l’inflation si elle se produit.
Le débat faisait rage et les échanges par voie d’articles et de réseaux sociaux furent pléthoriques. Larry Summers a défendu son article d’opinion dans le Washington Post en affirmant que, comme le titre l’indiquait, « Le plan Biden est remarquablement ambitieux ». Mais il comporte aussi de gros risques et « c’est probablement une erreur » des jeunes économistes de supposer que l’inflation ne sera plus jamais un problème.
Source : The Washington Post
Paul Krugman répondit en reprenant la ligne de sa propre chronique dans le New York Times, intitulée « Biden est le grand dépensier que l’Amérique veut ». Le plan de Biden devait être considéré comme un plan de sauvetage, et non comme une stimulation. « Voyez-le comme un secours en cas de catastrophe ou comme une guerre. Quand Pearl Harbor est attaqué, on ne dit pas : Quelle est l’ampleur de l’écart de production ? »
L’article de Paul Krugman est un argument en faveur du plan de dépenses de Joe Biden. Krugman soutient que les Américains veulent un grand dépensier et que le plan de Biden est un bon investissement pour l’avenir. Krugman cite des sondages qui montrent que les Américains sont prêts à payer pour des investissements dans l’infrastructure, l’éducation et la santé. Il soutient que ces investissements créeront des emplois, stimuleront la croissance économique et amélioreront la qualité de vie des Américains. Krugman reconnaît qu’il y a des risques associés au plan de Biden, tels que l’inflation et l’augmentation du déficit budgétaire. Cependant, il soutenait que ces risques étaient gérables.
Source : The Washington Post
Le plan de relance de Joe Biden, adopté en mars 2021, a été un choc budgétaire massif pour l’économie américaine. Le plan a injecté 1 900 milliards de dollars dans l’économie, soit environ 9 % du PIB. Ce choc budgétaire a eu un impact positif sur l’économie américaine. Il a contribué à relancer la croissance économique, à créer des emplois et à réduire le chômage. Cependant, ce plan de relance a également soulevé des préoccupations quant à la possibilité d’une surchauffe de l’économie.
Certains jouaient malheureusement les cassandres.
Source : X (ex Twitter)
En décembre 2021, se prononçait à demi-mot en s’exprimant au congrès le président de la Fed, Jerome Powell « Nous avons tendance à utiliser le terme « transitoire » pour signifier qu’il ne laissera pas de marque permanente sous la forme d’une inflation plus élevée. Je pense qu’il est probablement temps de retirer ce mot et d’essayer d’expliquer plus clairement ce que nous voulons dire« .
En juin 2022 soit près d’un an et demi plus tard c’était l’heure des mea-culpa….
Janet Yellen : « Je pense que je me suis trompée à l’époque sur la trajectoire que prendrait l’inflation« , a-t-elle déclaré sur CNN. « Il y a eu des chocs importants et imprévus qui ont fait grimper les prix de l’énergie et des denrées alimentaires, et des goulets d’étranglement au niveau de l’offre qui ont gravement affecté notre économie et que je n’avais pas entièrement compris à l’époque. »1
Dans un article publié dans le New York Times en juin 2022, Krugman écrit : »J’ai été l’un des nombreux économistes qui a soutenu que l’inflation était transitoire. Je me suis trompé. »2
Quant à la Fed, il a fallu attendre sa réunion du FOMC de janvier 2023 où elle a cessé d’utiliser le mot « transitoire » pour décrire l’inflation. Dans son communiqué de presse, elle a déclaré que « les forces qui alimentent l’inflation sont plus fortes que prévu et qu’il est probable que l’inflation demeure élevée pendant un certain temps« .
Le président de la Fed, Jerome Powell, a déclaré que la Fed était « déterminée à ramener l’inflation à son objectif de 2 %« .
Une séquence non sans effet sur la situation actuelle. Mais au-delà des erreurs d’appréciations, il y aura également des conséquences dans les mois à venir.
Ramener l’inflation au niveau de l’objectif de 2 % de la banque centrale reste sans aucun doute la priorité.
Mais le doute persiste comme l’a rappelé Raphael Bostic, le président de la Fed d’Atlanta.
Source : X (Ex Twitter)
Une attitude plus constructive serait d’atteindre un niveau de taux qui permet d’agir sur la demande sans être obligé de baisser les taux (et de mettre une nouvelle pièce dans la machine inflationniste).
Graphique : Inflation dans le monde
Sources : Groupe Richelieu, Bloomberg
Quitte à nous répéter, nous avons la conviction que la Fed continuera, quoi qu’il se passe, à maintenir la pression pour éviter une reprise de l’inflation pour deux raisons fondamentales :
– Une raison historique : la peur d’une autre vague d’inflation à l’image des années 70 en relançant l’économie de manière trop vigoureuse.
– Une raison psychologique : au vu des erreurs d’interprétation en ce qui concerne l’inflation en 2021 et 2022, nous ne voyons pas comment la banque centrale américaine pourrait crier victoire et desserrer l’étau de sa politique monétaire.
Le risque serait alors d’en faire trop jusqu’à ce que « ça craque… ».
Les autorités monétaires ne veulent plus se prononcer sur leurs prévisions et restent, pour le moment, « data dependant » ce qui démontre que les modèles économétriques sont caducs dans cette situation historique.
Allocation globale : Les US donnent le « La »
À court terme, nous pensons que les marchés pourraient rebondir compte tenu de nouvelles plutôt positives du côté des États-Unis. Nous sommes convaincus qu’à brève échéance, c’est la FED qui donne le « La ». Les enjeux structurels en Europe et conjoncturels aux États-Unis restent présents, mais l’optimisme exacerbé des derniers mois fait dorénavant face à un pessimisme de même nature. L’économie américaine s’est révélée étonnamment résiliente au resserrement de la Fed. L’activité a surpris par son dynamisme et les taux ont dépassé nos prévisions. Dans le même temps, une désinflation progressive se met en place avec une bonne visibilité sur la fin d’année. Nous surveillons avec attention les catalyseurs d’une autre vague inflationniste, mais elle semble repoussée quelque peu dans notre scénario actuel.
La bonne nouvelle reste la prise en compte par les banques centrales de la fin du resserrement monétaire. Pour déterminer l’ampleur du resserrement politique supplémentaire qui pourrait être approprié pour ramener l’inflation à 2 %, il faut prendre en compte « le resserrement cumulé de la politique monétaire, les décalages avec lesquels la politique monétaire affecte l’activité économique et l’inflation, ainsi que les facteurs économiques et financiers » (Jerome Powell).
Les défis ne sont pas les mêmes entre les trois grandes zones géographiques. L’Europe est en risque de stagflation, la Chine en risque de déflation (phénomène classique après une crise immobilière de cette ampleur). Les possibles bonnes nouvelles en Asie pourraient bénéficier à l’Europe.
Indicateur d’inflation en Chine
Sources : Bloomberg, Groupe Richelieu
Dans ce contexte, nous recommandons à ceux qui ont des liquidités de les utiliser de manière flexible. Il est probable qu’il y ait plus de volatilité et peut-être de nouvelles baisses, mais la valorisation et le pessimisme ambiant nous permettent d’agir de manière contrariante face à une Fed qui a clairement indiqué ses intentions. L’indicateur Bull-and-bear tombe à un plus bas historique dans un contexte de positionnement baissier.
Indicateur de sentiment de marché
Sources : Bloomberg, Groupe Richelieu
Nous persistons à penser que des effets de ciseaux vont se matérialiser dans les prochains mois (cf. point mensuel de septembre 2023), mais notre position négative sur le marché actions depuis l’été s’est révélée judicieuse. Notre scénario de base prévoit la poursuite de la désinflation aux États-Unis et une expansion économique inférieure à la tendance, avec des marges stables pour les entreprises. Nous étions surpondéré sur le Cash depuis Mars 2023. Nous abaissons notre recommandation au profit des actions. Dans ce contexte, nous rehaussons notre vue sur les actions de sous-pondérer à neutre sans tomber dans un optimisme béat.
ACTIONS US : UNE CROISSANCE QUI TIENT ET UNE FED PLUS SEREINE
L’intelligence artificielle et les dépenses budgétaires soutiennent les actions américaines. Les signaux d’inquiétude sur la croissance sont repoussés au deuxième semestre. Le marché US devrait se maintenir sauf si l’ISM manufacturier dépasse 55 ou si le rendement des bons du Trésor américain à 10 ans dépasse 5 %. Les actions technologiques sont encore à conserver mais nous pensons que compte tenu de la forte surperformance du secteur, il ne faut plus être surpondéré et il faut préférer des entreprises de secteurs plus cycliques et rentables qui ont déjà corrigé de manière significative. L’attrait du dividende est un critère de poids dans un environnement de taux élevé. L’aspect positif pour les marchés actions reste définitivement le potentiel changement des attentes de la Fed à l’avenir. L’indice S&P 500 a reculé de 10 % au cours des derniers mois, et de nombreuses actions ont baissé beaucoup plus fortement. Les secteurs cycliques du marché se sont affaiblis en relatif. Cependant, le recul semble également exagéré, de nombreux indicateurs clignotant des niveaux de survente. Nos objectifs restent modestes à 12 mois, comme pour l’ensemble des marchés actions. Alors que le marché réagit clairement aux événements géopolitiques, nous arrivons au cœur de la saison des résultats, les investisseurs devant concilier les craintes légitimes d’un ralentissement économique (taux d’intérêt plus élevés, paiements de prêts étudiants, craintes géopolitiques, affaiblissement mondial) et la réalité d’une accélération significative du PIB au troisième trimestre 2023 et de prévisions consensuelles de BPA qui s’améliorent quelque peu. À court terme, l’enjeu est donc d’évaluer l’ampleur du ralentissement attendu sur la croissance après un très bon troisième trimestre. L’épuisement du stock d’épargne, le ralentissement à venir des créations d’emplois et des salaires seront deux catalyseurs majeurs en vue d’un coup d’arrêt prochain à la croissance. Selon Bloomberg, « Malgré une croissance fulgurante et un marché du travail résilient, les Américains de la classe moyenne sont plus nombreux à s’inquiéter de l’état de l’économie qu’il y a un an », selon un sondage Harris. Une des principales raisons : la hausse rapide des taux d’intérêt déployée par la Réserve fédérale pour freiner l’inflation, qui devrait désormais rester élevée plus longtemps.
Ce tassement attendu doit alimenter le mouvement de désinflation qui continue de se matérialiser, à l’image de l’indice sous-jacent PCE de septembre publié à +3,7 %. L’orientation des actifs financiers américains et du dollar restera très étroitement liée à l’évolution des premières statistiques du quatrième trimestre. Une déception sur les données de l’emploi ou d’activité ISM constituerait une première étape clé afin d’assurer le caractère soutenable de la baisse des taux souverains et du dollar.
Indicateurs économiques avancés
Sources : Bloomberg, Groupe Richelieu
ACTIONS EUROPE : ETRE CONTRARIANT A COURT TERME
La saison des résultats s’est intensifiée avec la publication de près de la moitié des entreprises européennes. A ce stade, les investisseurs ont dû faire face à une série d’avertissements sur bénéfices, qui ont été sanctionnés de manière agressive. Ces avertissements ont été concentrés dans les secteurs de la consommation discrétionnaire et l’industrie, de nombreuses sociétés prévoyant une forte décélération de la demande en 2024. En ce qui concerne les valeurs spécifiques, il y a eu beaucoup de mouvements importants, notamment Worldline (-53 %), Siemens Energy (-20 %), Sanofi (-15 %), Standard Chartered (-15 %), Rémy Cointreau (-13 %), Natwest (-12 %) et Moncler (-8 %). Les mouvements de marché consécutifs à ces avertissements sur bénéfices sont les plus importants de l’histoire. La discrimination est de plus en plus forte au niveau des secteurs, où la consommation et l’industrie continuent de souffrir de la faiblesse économique asiatique et des conditions de financement, mais aussi au niveau intra-sectoriel. Cela montre qu’au-delà des problèmes structurels de l’Europe, la sélection de valeur prend tout son sens dans les conditions actuelles. Quand vous avez des taux plus élevés, la discrimination se fait de manière beaucoup plus importante entre les entreprises.
La dégradation rapide et vigoureuse des indicateurs économiques contraint la BCE à rester en attente, contrairement à nos anticipations. La BCE devra trouver un équilibre entre deux objectifs contradictoires : lutter contre l’inflation tout en évitant de provoquer une récession. À court terme, les investisseurs pourraient analyser ces mesures comme une bonne nouvelle sur le front de l’inflation. La BCE a pris ces mesures pour lutter contre l’inflation, qui a atteint un sommet de 8,6 % en juin 2023. Elle a déclaré qu’elle était prête à prendre des mesures supplémentaires si nécessaire pour maintenir l’inflation à un niveau proche de son objectif de 2 %. La décision de la BCE de mettre fin à ses achats d’actifs nets est un signal clair qu’elle est déterminée à lutter contre l’inflation. Le deuxième point plus encourageant à court terme est la stabilisation (pour l’instant fragile) de la croissance chinoise. Les flux sortants des actions européennes ont été très importants. Nous adoptons dorénavant une position neutre à court terme en prenant en compte ces deux éléments (BCE et Chine), et bien évidemment les tons plus dovish de la Fed, même si à plus long terme les défis stratégiques restent ancrés.
CHINE : OPÉRATION NETTOYAGE
Une reprise économique timide, associée aux problèmes de service de la dette, justifie des taux d’intérêt encore plus bas en Chine. Alors qu’Evergrande n’a plus que quelques semaines pour éviter la liquidation, la crise immobilière chinoise pourrait avoir touché un point bas. Le gouvernement chinois a autorisé un plan de relance budgétaire pour soutenir les projets d’infrastructure.
Source : X (ex twitter)
Cependant, le parti communiste chinois doit encore s’attaquer à la crise immobilière et à la trappe à liquidité persistante. La réduction globale de la dette n’est pas appropriée tant que l’économie continue de lutter, les défis devant probablement persister pendant plusieurs années. La banque centrale maintiendra les taux d’intérêt bas pendant un certain temps. Le yuan devrait continuer de s’affaiblir au-delà de 7,3 contre le dollar, malgré les efforts de la PBOC pour stabiliser la monnaie. La banque centrale pourrait maintenir des conditions de liquidité accommodantes, mais il est peu probable qu’elle recoure à un assouplissement agressif. Les autorités prendront un contrôle plus strict des leviers de prêt afin de canaliser le crédit vers l’économie réelle en ligne avec la stratégie nationale, tout en limitant les risques. Elles appellent à une réglementation beaucoup plus stricte des banques et des emprunts des gouvernements locaux. La Banque populaire de Chine pourrait introduire des outils ciblés supplémentaires, tandis que les institutions financières, les gouvernements locaux fortement endettés et les promoteurs immobiliers peuvent s’attendre à une surveillance plus étroite. Nous estimons que l’économie chinoise a touché le fond en août-septembre et qu’elle continuera à se redresser au quatrième trimestre 2023. La faiblesse économique actuelle est due à la fois à un manque de confiance lié à des problèmes structurels. Les autorités ne souhaitent évidemment pas sur-stimuler l’économie, mais la prospérité économique est la clé de la stabilité sociale. La grande question est de savoir ce qui pourrait devenir le moteur de la croissance économique à l’avenir. Pour l’instant, ce sera plus sur le plan budgétaire que monétaire. La récente relance budgétaire de 1 trillion de RMB est un signal positif. Elle devrait stimuler les investissements dans les infrastructures et augmenter les nouvelles commandes aux entreprises.
Eléments explicatifs de la croissance économique chinoise
Sources : Bloomberg, Groupe Richelieu
Malgré la situation géopolitique instable, les relations entre les États-Unis et la Chine semblent s’être améliorées ces dernières semaines. Cependant, personne ne s’attend à un retour complet à la situation d’avant 2018. La prochaine réunion potentielle entre le président Biden et le président Xi pourrait conduire à certains résultats. Par la force des choses, la Chine est devenue le meilleur ennemi des États-Unis sur tous les fronts économiques, technologiques et géopolitiques. Les investisseurs pourraient être tentés de rester à l’écart des actions chinoises mais la Chine devrait constituer un élément clé de l’allocation stratégique au sein des portefeuilles mondiaux.
JAPON : UNE ATTRACTIVITÉ CONSERVÉE POUR LE MOMENT
Le Premier ministre japonais, Fumio Kishida, a annoncé un plan de relance d’ampleur, de plus de 110 milliards de dollars, visant à soutenir l’activité et la consommation des ménages. Il contient notamment une baisse d’impôts sur le revenu et résidentiels de l’ordre de 20 milliards de dollars et une aide aux ménages modestes de l’ordre de 10 milliards de dollars en 2024. Le plan devrait également comprendre des subventions destinées à compenser la hausse des prix du pétrole et de l’électricité ainsi qu’une aide aux entreprises destinées à soutenir la hausse des salaires. Le détail de ce plan d’investissement, qui devrait être financé par un surcroît d’endettement public, reste tout de même inférieur aux années précédentes.
Pour rappel, le Premier ministre japonais avait déjà annoncé un plan de relance de 266 milliards d’euros le 28 octobre 2022 qui visait à soutenir l’économie japonaise face à la hausse de l’inflation et de la faiblesse du yen. Même si son impact sur la croissance devrait être modeste, il sera de nature à favoriser une inflation durablement plus élevée (via les salaires) et proche de la cible d’inflation de la Banque du Japon, ce qui contribuera à l’augmentation additionnelle des taux souverains japonais.
Source : X (ex Twitter)
Dans le même temps, la Banque du Japon (BoJ) a introduit davantage de flexibilité pour sa politique monétaire de contrôle de la courbe des taux. Le taux de 1 % devient le « taux de référence » pour la borne haute du YCC, et la banque centrale abandonne ses opérations quotidiennes de rachat (c’est-à-dire qu’elle ne fixe plus un plafond ferme à 1 %). La décision accompagne des révisions en hausse de toutes les projections d’inflation entre 2023 et 2025. Cela semble confirmer que le projet est de se départir de cette politique de contrôle de la courbe. Avec plus de mille milliards de dollars de réserves de change, la BoJ dispose d’un grand pouvoir d’intervention pour déployer et inverser la dépréciation du yen. Cela devrait stabiliser le yen dans les mois à venir. Le marché des actions japonaises est le plus performant en 2023 et conserve pour l’instant une attractivité relative compte tenu de la volonté du gouvernement de soutenir la croissance. Du coté entreprise, les révisions restent en faveur du Japon.
Taux d’intérêt
OBLIGATIONS SOUVERAINES
En zone euro, l’enjeu est d’éviter une hausse trop rapide des coûts d’emprunt pour les États. L’Italie, qui a annoncé un déficit révisé à la hausse à 5,3 % cette année, a été mise sous pression par les marchés au début du mois. La bonne nouvelle, c’est que ces tensions ne se sont pas propagées à d’autres pays de la zone euro, pour l’instant. Cependant, le risque sur la courbe des taux ne s’est pas véritablement matérialisé comme aux États-Unis. Il faut donc limiter les durations sur l’ensemble des classes d’actifs obligataires en zone Euro.
Taux 10 ans des principaux pays
Sources : Bloomberg, Groupe Richelieu
Aux États-Unis, la dynamique de croissance future limitera la pression à la hausse sur les rendements des bons du Trésor. Cela dit, une nouvelle détérioration des conditions du marché du travail est probablement nécessaire pour que les rendements baissent de manière significative. Nous pensons que l’économie américaine pourrait céder la place à une récession en 2024. Le plein effet de la politique monétaire restrictive se transmettra à l’économie, comme le suggère déjà la première lecture du modèle GDPNow de la Fed d’Atlanta. Nous conservons un biais positif sur la dette souveraine américaine. Nous augmenterons nos positions si les taux s’approchent de 5 %.
Le niveau des taux d’intérêt au fil des années est largement déterminé par l’orientation de la politique de la Fed et les attentes du marché quant à son évolution au cours de l’année à venir. Nous pensons que le taux de 5 % pourrait être un sommet pour les taux à 10 ans, étant donné que la Fed a presque terminé ses hausses et que la trajectoire des taux à 1 an resterait inversée. La plus forte visibilité sur la politique monétaire américaine devrait faire baisser la volatilité dans les prochains mois.
OBLIGATIONS INVESTMENT GRADE : LA QUALITE RESTE APPRECIABLE
Aux États-Unis, le risque de refinancement des taux hypothécaires est faible. Le taux hypothécaire résidentiel moyen effectif est de 3,6 %, la plupart des emprunteurs étant fixés pour 15-30 ans et moins de 5 % des ARM devant être refinancés dans les 12 prochains mois. Dans l’immobilier commercial (CRE), seul 15 % de l’ensemble du marché est confronté à ce risque au cours des douze prochains mois. Dans le crédit IG, seulement 15 % de la dette totale de l’indice sera refinancé dans les deux prochaines années. Les marchés hypothécaires et l’IG sont donc bien isolés face au risque de défaut. Nous considérons que l’allocation aux obligations US est attractive avec une augmentation progressive de la duration du portefeuille.
Spread de crédit Investment Grade
En Europe, le risque taux reste plus important que le risque de spread. La hausse des taux souverains a entraîné une augmentation des coûts d’emprunt pour les entreprises, ce qui pourrait conduire à une augmentation des défaillances. Dans ce contexte, nous privilégions les dettes hybrides corporate IG dont les « step-up » après les dates de call offrent un certain niveau de protection contre les hausses des taux. Le regain de tension géopolitique a mis un coup d’arrêt aux émissions obligataires corporate euro, face au risque d’exécution et à des investisseurs plus sélectifs.
OBLIGATIONS HIGH YIELD : UN RISQUE CROISSANT
La frilosité des investisseurs envers les entreprises les plus risquées s’est reflétée sur le marché primaire, puis sur le marché secondaire. Les conditions de refinancement des entreprises les plus risquées restent difficiles et la croissance sera insuffisante. Le ralentissement économique en cours ne sera pas accompagné de mesures budgétaires ou monétaires, ce qui devrait contribuer à la remontée continue du taux de défaut des entreprises. Les Banques centrales ne pourront pas se permettre de détendre les conditions financières d’ici la fin d’année, une inflation sous-jacente ne se détendant que graduellement.
Même si les taux des banques centrales devraient se stabiliser, le prochain outil de lutte contre l’inflation reste le contrôle de la liquidité. Les obligations High Yield sont en première ligne…
Bilan des principales banques centrales
Un tiers de la dette HY doit arriver à échéance dans les trois prochaines années. Si la Fed ne baisse pas ses taux dans les années à venir, nous nous attendons à ce que les défauts de paiement HY augmentent pour atteindre 8 à 10 % dans de nombreux secteurs. Les coupons des prêts à effet de levier ont augmenté de 4,5 % à 9 % et les ratios de couverture ont diminué d’un cran pour atteindre 1,2x. Les défauts de paiement sur les prêts à effet de levier et la dette privée pourraient atteindre 3 %, et 6 % si les taux restent élevés.
Evaluation des défauts d’entreprises US
Source : X (ex Twitter)
Nous ne sommes pas dans un marché opportuniste, comme on peut parfois en avoir lors des regains de volatilité, mais dans un marché plus complexe, où, face à des investisseurs plus frileux et sélectifs, les émetteurs doivent être prêts à faire des concessions sur le prix pour accéder au marché.
En octobre, comme les marché actions, les marchés américains obligataires ont fait face à des vents contraires croissants, de la vacance du poste de président de la Chambre des représentants à la nécessité d’une nouvelle résolution budgétaire américaine et à la grève de l’UAW, bien que les données économiques aient eu tendance à surprendre à la hausse. Cependant, les actions peuvent performer avec des taux plus élevés, mais c’est beaucoup plus délicat sur les segments les plus risqués de dette. Nous privilégions les maturités courtes d’obligations, les entreprises bénéficiant de flux de trésorerie élevés par rapport à celles dont la croissance est retardée ou qui n’ont pas de bénéfices aujourd’hui. Les spreads de crédit se sont élargis de manière significative. Nous privilégions l’Europe sur le segment qui garde des ressorts de meilleur qualité avec des taux de rendement appréciables.
DEVISE
La Fed peut envisager une pause. La banque centrale américaine s’est montrée attentive contribuant à la poursuite du mouvement de baisse des taux souverains américains. Le communiqué et Jerome Powell ont cette fois-ci bien insisté sur le durcissement marqué des conditions financières ces dernières semaines qui s’ajoute à celui du crédit et renforce la transmission de la politique monétaire. Cette position a été perçue comme nettement moins « hawkish » par les investisseurs qui semblent désormais se tourner vers la question de la durée de la pause. La Fed semble donc considérer aujourd’hui que les taux directeurs et les conditions financières sont suffisamment restrictives afin d’alimenter la désinflation et atteindre son objectif. Cela prendra toutefois encore du temps. Notons toutefois que le président s’est montré plus satisfait de l’évolution récente des salaires et ces derniers se rapprocheraient du niveau qui, en tenant compte de la productivité, est compatible avec le retour de l’inflation vers 2%. Nous considérons désormais que la Fed pourra maintenir ses taux directeurs inchangés pendant plusieurs mois afin de favoriser le ralentissement de la croissance, la normalisation du marché du travail et donc la baisse de l’inflation, à condition que les conditions financières ne se détendent pas trop rapidement à court terme. Elle pourra ensuite envisager une première baisse des taux directeurs, vers la fin du T2-2024. Dans ce contexte, la rechute du dollar que nous attendons devrait rester graduelle.
Devises contre EURO
MATIERES PREMIERES
Les tensions géopolitiques à l’étranger ont entraîné une volatilité sur les marchés des actions et des matières premières au cours du mois, alors que la guerre en Ukraine entre dans sa deuxième année et que le conflit entre Israël et le Hamas a entraîné une hausse des prix des matières premières au cours du mois. La guerre Israël-Hamas amplifierait les effets de la politique restrictive de l’OPEP soutenue par la Russie et ceux de la guerre en Ukraine. Le conflit entre Israël et le Hamas à Gaza, qui a débuté le 7 octobre 2023, fait craindre une escalade régionale. Si cela se produit, le prix du baril de pétrole pourrait atteindre des sommets historiques, avec des conséquences désastreuses pour l’économie mondiale. La Banque mondiale a averti que le prix du baril de pétrole pourrait atteindre 157 dollars en cas d’embrasement du conflit. L’augmentation des prix du pétrole serait due à plusieurs facteurs.
Sources : The Guardian (cliquez ici)
Tout d’abord, un conflit régional amplifierait les effets de la politique restrictive de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) soutenue par la Russie. L’OPEP a réduit sa production de pétrole de 1 million de barils par jour en réponse à la guerre en Ukraine. Il pourrait aussi entraîner des perturbations des infrastructures pétrolières et gazières dans la région et une hausse de la demande de pétrole et de gaz. Cela pourrait se produire si les pays importateurs de pétrole et de gaz s’efforçaient de se prémunir contre les perturbations de l’approvisionnement.
Une telle hausse des prix du pétrole aurait des conséquences désastreuses pour l’économie mondiale. Elle entraînerait une inflation élevée, une récession économique et une augmentation de la pauvreté. Si les dirigeants doivent prendre des mesures pour éviter une escalade du conflit aux frontières d’Israël, ils doivent aussi travailler à réduire la dépendance de l’économie mondiale au pétrole et au gaz.
La production américaine a augmenté mais à un rythme plus faible que dans les derniers cycles au regard des plateformes pétrolières en activité. Les entreprises pétrolières privilégiant la rentabilité et les cash flows.
Prix du WTI versus nombre de plateforme pétrolière en activité
Source : Bloomberg
Même si le scénario du pire n’est pas le plus probable, nous pensons qu’il faut garder les valeurs pétrolières pour se prémunir de ce scenario. De plus, la Chine contribuera massivement à cette croissance de consommation, malgré des signes récents de normalisation. La demande américaine est également robuste, soutenue par des données économiques positives. Quitte à nous répéter, le secteur énergétique devrait bénéficier de cette situation. Ce cadre pourrait constituer un catalyseur supplémentaire pour le secteur, notamment avec les récentes augmentations de dividendes et les rachats d’actions. Cependant , depuis quelques semaines, l’Arabie Saoudite semble être plus enclin à discuter avec les États-Unis ce qui devrait « Capper » les prix. Notre objectif reste entre 80 et 90 USD.
Tableau d’allocation
Sources
2 – https://www.nytimes.com/2022/07/21/opinion/paul-krugman-inflation.html