Donald Trump a remporté la Maison-Blanche avec 51 % du vote populaire, ce qui constitue une réussite majeure pour un parti qui a souvent du mal à obtenir une majorité absolue et pour un candidat qui en est à sa troisième candidature et dont la part la plus élevée jusqu’à présent était de 46,9 %. Trump a remporté 292 voix de grands électeurs, devenant ainsi le premier et le seul président depuis le démocrate Grover Cleveland en 1892 à remporter un second mandat non consécutif.
Trump a non seulement remporté les « Sunny states », mais a également balayé le « Blue Wall » ou les États de la « Rust Belt », de Pennsylvanie, du Michigan et du Wisconsin, faisant écho à sa victoire de 2016 et justifiant sa stratégie électorale de nationalisme économique en faisant appel à la classe ouvrière et en appelant à la renaissance de la base industrielle de l’Amérique.
Les Républicains ont remporté le Sénat avec au moins 52 sièges, voire 54 ou 55. Les candidats du GOP au Sénat ont créé la surprise en Pennsylvanie et au Nevada. Alors que la croissance économique nationale s’est maintenue, ces États sont restés à la traîne de la moyenne nationale et ont souffert de la récession manufacturière mondiale, une situation qui rappelle la victoire de Trump en 2016. Ces États ont vu leur croissance rechuter à l’approche de l’élection. L’activité de l’État du Michigan étant déjà déjà en train de se contracter.
Les votes pour la Chambre des représentants sont encore en cours de dépouillement, mais les républicains ont gagné cinq sièges, tandis que les démocrates n’en ont gagné que deux. Il est attendu à ce que les républicains obtiennent une courte majorité, conformément à la marée rouge qui a déferlé sur le pays. La possession de la Chambre est extrêmement importante pour les perspectives politiques en 2025-26.
Plus que le chômage, c’est l’inflation qui a motivé le vote contre le parti au pouvoir – c’est le facteur le plus important de la victoire retentissante des Républicains. La hausse cumulée du niveau général des prix depuis 2021 est de 20,5 %, ce qui se traduit par des salaires réels négatifs, en particulier dans les États que Joe Biden a remportés en 2020.
Impacts sur les marchés
Les marchés financiers ont largement salué la victoire des républicains aux États-Unis avec une forte progression des indices boursiers, des taux souverains et du dollar, au-delà de ce que nous anticipions, compte tenu de l’anticipation des derniers jours précédant l’élection. Derrière ce mouvement, il y a l’hypothèse que le Grand Old Party disposera d’une majorité suffisante au Sénat et à la Chambre des représentants pour mettre en œuvre l’essentiel de son programme économique.
Marché de taux : risque inflationniste….
La hausse des droits de douane, l’expulsion de migrants, la fermeture des frontières et le soutien de la demande domestique via des baisses d’impôts pour les ménages, à l’exception seulement d’une volonté de faire baisser les prix de l’essence via un soutien à la production de pétrole, sont autant d’éléments susceptibles de retarder le ralentissement de l’inflation vers la cible de 2 %. La Fed ne devrait donc pas être en mesure de baisser ses taux directeurs autant que prévu initialement.
Ces deux éléments conduiront à un équilibre plus défavorable pour les obligations d’État américaines (le taux à 10 ans devrait rester durablement au-dessus de 4 %), bien que la probabilité d’un taux dépassant 5 % reste faible. La mise en œuvre de l’intégralité de son programme avec un soutien budgétaire massif devrait être freinée par les élus républicains eux-mêmes, qui refusent une telle dynamique d’endettement, risquant de provoquer une réaction brutale sur les marchés financiers, comme cela a eu lieu au Royaume-Uni avec Liz Truss. Le niveau absolu nous semble désormais intéressant même si les risques persistent. Nous augmenterons progressivement la duration sur la dette américaine.
Comme mentionné précédemment, l’impact du programme du nouveau président sur la croissance européenne ne sera pas négligeable, et la BCE devra le prendre en compte dans ses prochaines réunions. La baisse des taux sera plus marquée en zone euro, et nous sommes plus confortables sur les obligations européennes.
De manière générale, la volatilité du marché obligataire devrait être plus élevée cette fois-ci, car il est peu probable que les déficits soient réduits. Nous ne modifions pas notre vue sur les obligations corporate, qui seront corrélées aux taux d’État.
Taux 10 ans
Change : l’EURO et la BCE sous pression
Sur le marché des changes, le dollar a largement bénéficié de l’envolée des taux américains. Ce facteur devrait persister, et la réduction du différentiel de taux ne pourra plus contribuer à renforcer l’euro face au dollar, la tendance s’inversant en faveur de la devise américaine. Nous restons favorables au dollar américain et ajustons notre fourchette à 1,05-1,1 (contre 1,07-1,12).
Euro versus USD
Les différentiels d’intérêts ont évolué massivement en faveur du dollar au cours des deux années qui ont suivi la victoire électorale de Trump en 2016. Les différentiels de taux ont immédiatement rebondi en novembre 2016, mais une hausse beaucoup plus importante a suivi au cours des deux années suivantes
Pétrole : un tournant crucial pour la politique énergétique des États-Unis.
Comme anticipé dans notre dernière intervention, la victoire de Donald Trump marque un tournant crucial pour la politique énergétique des États-Unis.
En 2024, les États-Unis restent un des principaux producteurs mondiaux de pétrole et de gaz naturel grâce aux progrès dans l’extraction par fracturation hydraulique (fracking). Cependant, la transition énergétique mondiale et les engagements climatiques pris lors des sommets internationaux, tels que la COP26, ont mis l’administration actuelle sous pression pour réduire la dépendance aux combustibles fossiles et promouvoir les énergies renouvelables. Le président Joe Biden avait entrepris de vastes réformes pour verdir l’économie américaine, notamment via l’Inflation Reduction Act (IRA), adopté en 2022, soutenant l’énergie éolienne, solaire et les véhicules électriques.
Donald Trump pourrait cependant privilégier à nouveau l’exploitation des gaz et pétroles de schiste, soutenant un secteur pétrolier majeur pour sa campagne. Les républicains adoptent généralement une position axée sur la déréglementation et la revitalisation de l’industrie pétrolière et gazière, menaçant ainsi la filière renouvelable.
La volonté de l’Arabie saoudite de gagner des parts de marché, notamment aux États-Unis, pourrait être exacerbée si les États-Unis soutiennent une augmentation de la production. Nos objectifs restent pour le moment à 65-75 USD, avec un risque supplémentaire à la baisse en cas de hausse additionnelle de la production américaine de brut et d’un éventuel assouplissement des sanctions contre le pétrole russe, ce qui fragiliserait l’OPEP.
Production de pétrole
Marchés Actions
Indice actions en devises locales depuis le début de l’année.
Le risque « présidentiel » est désormais derrière nous, mais au fur et à mesure des annonces de Trump et de la réaction des Chambres, la volatilité sera exacerbée dans les mois à venir. Nous anticipons une politique économique plus « pro-business » et une politique budgétaire plus dépensière (dont un allègement de la fiscalité des entreprises) dans notre vue sur les marchés américains, et augmentons notre avis à « neutre ». Le président a évoqué une réduction de l’impôt sur les sociétés de 21 % à 15 % pour certaines entreprises produisant aux États-Unis. Les entreprises cotées aux États-Unis, fortement exposées à l’économie américaine, restent bien positionnées, tout comme le secteur bancaire, qui devrait être un bénéficiaire structurel. le prolongement de l’expansion de l’économie, couple avec une probable amélioration de la confiance des CEOs suggère que l’activité M&A sera en augmentation l’année prochaine.
Toutefois, l’enjeu sera d’éviter un scénario trop inflationniste, susceptible de provoquer une réaction de la Fed en 2025.
Les indices actions européens seront confrontés à de nouveaux obstacles, menant à des révisions baissières des BPA, encore inachevées selon nous (-5 % depuis le début de l’été). Le secteur automobile restera probablement sous pression, et celui des énergies renouvelables entre dans une période d’incertitude. Nous confirmons notre avis « neutre » en attendant la réaction de la BCE, qui pourrait offrir un soutien. Nous privilégions toujours les valeurs moins cycliques et sensible à la baisse des taux. La baisse de l’énergie devrait être favorable à la consommation des ménages. Les fonds d’investissement de la zone euro ont déjà largement réduit leur exposition aux actions de la zone euro et ont accru la concentration de leurs portefeuilles vers les secteurs américain et technologique. Les flux cumulés des fonds d’actions domiciliés dans la zone euro vers les actions de la zone euro sont négatifs depuis deux ans, tandis que les flux vers les actions américaines augmentent régulièrement, reflétant les attentes de croissance divergentes.
Les marchés actions émergents, particulièrement en Chine, ressortent fragilisés, ce qui pourrait accélérer les réformes et les plans de relance. La Chine a annoncé un plan fiscal de 10 000 milliards de RMB (1 400 milliards de dollars) pour soutenir son économie face aux tensions commerciales avec les États-Unis. Pékin a autorisé les gouvernements locaux lourdement endettés à émettre 6 milliards de RMB en nouvelles obligations et à réaffecter 4 000 milliards de RMB pour restructurer leurs finances. Les droits de douane de 60 % imposés par Trump sur les produits chinois auraient un impact sur 500 milliards de dollars d’exportations vers les États-Unis, soit 15 % de la valeur totale des exportations chinoises. La Chine pourrait réagir en instaurant des contrôles à l’exportation sur les matières premières essentielles et en établissant une liste d’entités pouvant cibler des entreprises américaines clés .