Flash Marchés – Pari (perdant) à haut risque pour François Bayrou

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Lundi 25 août, à l’occasion d’une conférence de presse de rentrée destinée à sensibiliser l’opinion publique française à l’urgence de la maîtrise du déficit public et de la dette, le Premier Ministre François Bayrou a annoncé engager la responsabilité de son gouvernement en convoquant l’Assemblée Nationale en session extraordinaire de vote de confiance le 8 septembre, en vertu de l’article 49 alinéa 1 de la Constitution.

Le pari du Premier Ministre est lourd de conséquences. En effet, pour que le gouvernement reste en place, celui-ci doit recueillir la majorité des suffrages exprimés sans avoir à atteindre de seuil particulier. Ainsi, contrairement aux motions de censure, les abstentions et les non participations ne sont pas considérés comme étant des soutiens au gouvernement. Enfin, si le gouvernement n’obtient pas la confiance de l’Assemblée Nationale, le Premier Ministre doit remettre la démission de son gouvernement au Président de la République, en vertu de l’article 50 de la Constitution.

Composition de l’Assemblée Nationale
En nombre de sièges

Les réactions politiques n’ont pas tardé à fuser à l’issue de cette annonce et un calcul de coin de table rapide montre bien que les chances du gouvernement de François Bayrou de se maintenir sont très faibles. En effet, les quatre groupes de gauche, le Rassemblement National et le groupe « A Droite » d’Eric Ciotti ont tous indiqué qu’ils voteraient « contre » (avec une nuance du côté des socialistes qui pourraient s’abstenir plutôt que voter « contre », mais sans incidence sur le résultat final du vote). Le total des votes « pour » n’atteindrait ainsi que 242 au grand maximum, bien loin de la majorité, ce qui entraînerait mécaniquement la chute du gouvernement.

La réaction des marchés ne s’est pas fait attendre dans ce contexte, avec mardi à la clôture :

  • Le recul du CAC 40 de près de 1,5 % après déjà – 1,6 % la veille, les valeurs financières étant parmi les plus vendues (Société Générale – 6,8 % ; Crédit Agricole – 5,4 %, BNPP – 4,2 %, Axa – 4,0 %) ;
  • La hausse des taux souverains français de quasiment 10 pbs par rapport à la clôture du 22/08, l’OAT à 10 ans atteignant désormais les 3,5 % ;
  • L’écartement du spread France/Allemagne à désormais près de 80 pbs contre 70 pbs à la clôture du 22/08.

Dans ce contexte, trois scénarios nous semblent possibles pour la suite (cf. ci-dessous).

ScénarioDétailRisques associés
Confiance accordée et maintien du gouvernement actuelLa période qui s’ouvre avant la date du vote de confiance le 8 septembre donne lieu à des négociations entre le gouvernement actuel et les différents partis politiques débouchant sur un accord de majorité autour d’un Projet de Loi de Finance 2026 consensuelLes efforts budgétaires concédés sont insuffisants et la perte de confiance dans la crédibilité budgétaire du souverain français se poursuit
– Pour autant, le semblant de stabilisation de la situation politique permet le reflux de la volatilité sur les marchés
Confiance refusée et démission du gouvernement actuel sans nouvelle dissolution de l’Assemblée NationaleLes députés n’accordent pas la confiance au gouvernement de François Bayrou qui se retrouve démissionnaire de facto. Emmanuel Macron ne dissout pas l’Assemblée Nationale. En revanche, pour éviter un nième cercle vicieux nomination/démission ou censure, il finit par trouver un accord de gouvernement transpartisant, ou a minima, un consensus autour du budget 2026 permettant la nomination et le maintien en place d’un nouveau gouvernement– Le sell-off sur les actifs français se poursuit pouvant même s’aggraver, tant que la situation politique n’est pas stabilisée
– La dette publique poursuit sa hausse car la hausse des taux souverains pèse davantage sur le budget
– En l’absence d’efforts budgétaires, la Commission Européenne sanctionne la France pour non-respect des engagements pris en 2024 dans le cadre de la procédure de déficit excessif du Pacte de Stabilité et de Croissance
Confiance refusée, démission du gouvernement actuel et dissolution de l’Assemblée NationaleLes députés n’accordent pas la confiance au gouvernement de François Bayrou qui se retrouve démissionnaire de facto. Face à l’impasse politique, Emmanuel Macron dissout une nouvelle fois l’Assemblée Nationale pour tenter de faire émerger une nouvelle majorité– Le sell-off sur les actifs français se poursuit pouvant même s’aggraver, tant que la situation politique n’est pas stabilisée
– La dette publique poursuit sa hausse car la hausse des taux souverains pèse davantage sur le budget
– En l’absence d’efforts budgétaires, la Commission Européenne sanctionne la France pour non-respect des engagements pris en 2024 dans le cadre de la procédure de déficit excessif du Pacte de Stabilité et de Croissance
Source : Analyse Richelieu Invest

Notre avis : Compte tenu des dernières annonces, les chances de maintien du gouvernement de François Bayrou nous paraissent faibles. La période d’instabilité politique qui s’ouvre peut durer tant que le Président de la République ne parvient pas à faire émerger de nouvelle majorité de gouvernement, soit par le dialogue transpartisant, soit partant d’un vote en procédant à une nouvelle dissolution de l’Assemblée Nationale. Dans ce contexte, nous continuons de penser que le spread OAT/Bund à 10 ans va s’écarter, pouvant même venir tester le niveau des 100 pbs atteint lors de la dernière dissolution en 2024, notamment par crainte de l’arrivée au pouvoir de partis extrêmes à la crédibilité économique très faible. Quant à la situation économique et au risque financier en tant que tel de la France, la capacité à lever l’impôt du pays n’a pas changé et des gardes fous existent (Loi de Finance Spéciale, etc.) pour garantir la continuité de l’Etat. En outre, la France continue de placer sa dette sur les marchés sans difficulté. Pas d’alarmisme, donc, mais plutôt une lucidité et une prudence qui doivent s’imposer, sur la dette souveraine, certainement, mais également sur les marchés actions, les investisseurs pouvant privilégier de se positionner sur des valeurs européennes hors France compte tenu de l’instabilité locale.

Valérie RIZK
Valérie RIZKhttps://news.banquerichelieu.com
Macroéconomiste, Prévisionniste des taux

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