Les trois informations de la semaine à ne pas manquer
1. Message de la Fed : ne pas se précipiter
2. BCE : « le processus de désinflation est en bonne voie »
3. DeepSeek : un vent de panique ?
Chart of the Week: Décomposition du PIB français
Message de la Fed : ne pas se précipiter
À l’issue de sa réunion de politique monétaire d’hier soir, la Fed a, de manière unanime, décidé de maintenir inchangée sa fourchette de taux directeurs (à 4,25 %-4,5 %) après trois baisses consécutives en fin d’année dernière. Ce niveau semble opportun compte tenu de l’évolution récente de la croissance américaine, qui reste résiliente, et de l’inflation, qui peine à ralentir en cette fin d’année. Ainsi, la Fed restera dans l’attente de signaux plus favorables avant de poursuivre la normalisation de sa politique monétaire. Par ailleurs, le meilleur équilibre du marché du travail devrait favoriser la poursuite de la désinflation. Le constat de cette tendance constituera donc un enjeu crucial pour la Fed. Toutefois, rien n’impose une réduction des taux, alors que le marché du travail et la consommation se portent bien aux États-Unis. N’ayant pas besoin de stimuler la croissance, la banque centrale peut maintenir des taux supérieurs au niveau jugé neutre pour l’économie afin d’accompagner la décrue de l’inflation.
« Nous voulons conserver une politique relativement restrictive pour favoriser de nouveaux progrès en direction d’une inflation de 2 % », a déclaré le président de la Fed, Jerome Powell. « Et nous n’avons pas besoin d’observer un ralentissement supplémentaire du marché de l’emploi pour atteindre ce but. » Cela signifie que la Fed ne cherche plus délibérément à freiner le marché du travail, comme entre 2022 et 2024, pour éviter une surchauffe de l’économie. En décembre, elle avait prévenu qu’elle adopterait une posture plus attentiste en 2025 après plusieurs mois d’inflation plus élevée, malgré les progrès importants réalisés depuis un an.
Contrairement aux précédentes réunions, le communiqué publié mercredi ne mentionne plus la tendance au ralentissement du marché du travail ni l’amélioration de l’inflation. « Le taux de chômage s’est stabilisé à un niveau faible ces derniers mois et les conditions sur le marché du travail restent solides. » Par ailleurs, si Jerome Powell s’est bien gardé de tout commentaire relatif à la future politique de l’administration Trump, cette incertitude pèse probablement sur la trajectoire des taux directeurs, incitant la Fed à une plus grande prudence. Interrogé à plusieurs reprises sur l’attitude qu’adopterait la Fed face aux droits de douane brandis par le président Donald Trump, Jerome Powell a réaffirmé que la banque centrale attendrait de juger sur pièces, en fonction des mesures effectivement mises en place par la nouvelle administration.
« Je pense que le comité reste dans l’attente de voir quelles politiques seront adoptées. Nous ne savons pas ce qui se passera avec les tarifs douaniers, l’immigration, la politique budgétaire ou encore la politique réglementaire », a-t-il déclaré. « Le public doit avoir confiance dans le fait que nous continuerons à faire notre travail comme nous l’avons toujours fait, en nous concentrant sur nos outils pour atteindre nos objectifs », a ajouté Jerome Powell, précisant qu’il n’avait eu aucun contact avec le nouveau président américain.
Notre avis : Powell continue de considérer la politique monétaire actuelle comme « significativement restrictive », suggérant que la Fed n’a pas fini son cycle de baisse de taux. Le FOMC n’est pas presse de baisser ses taux et hésite à prendre une décision avant d’en savoir davantage sur les changements politiques à venir de la part de l’administration Trump – ce qui implique qu’une coupe en mars est peu probable. Une fois que les intentions de l’administration en place seront plus claires, la barre n’est pas très élevée pour que davantage de progrès sur le front de l’inflation justifient une nouvelle baisse. Nous continuons de prévoir une trajectoire désinflationniste lors des prochains mois. Nous restons dans notre scénario (que nous avons depuis plusieurs mois) de deux baisses à venir cette année, en juin et décembre.
BCE : « le processus de désinflation est en bonne voie »
Sans surprises, la BCE a procédé à une nouvelle baisse de taux de 25bp pour porter son taux directeur à 2.75%. La conférence de presse n’a pas non plus accouché d’un changement radical dans le message. Les gouverneurs semblent plus inquiets par la croissance que par l’inflation. La décision a été prise à l’unanimité sur proposition de Philip Lane. La BCE reste confiante dans le retour de l’inflation à l’objectif : « le processus de désinflation est en bonne voie. La hausse des salaires s’atténue comme attendu et les bénéfices amortissent en partie leur incidence sur l’inflation. » Depuis le dernier comité de décembre, les données ont globalement évolué en ligne avec les prévisions. Interrogée sur le peu de progrès de l’inflation des services, Christine Lagarde a précisé que tous les indicateurs pointent sur un ralentissement des salaires : rémunérations par employé, indicateur Indeed, salaires négociés, emplois vacants…
« Nous sommes attentifs aux services, en grande partie sensibles aux salaires et notre attention porte aussi sur les « Late comers », les retardataires comme les assurances qui augmentent leurs tarifs avec retard ».
Les enquêtes de la BCE faisaient état d’une moindre volonté des entreprises de passer des hausses de tarifs en ce début d’année par rapport à 2024. La BCE reste confiante dans la reprise économique. Le marché du travail reste solide, la consommation repart et les exportations devraient contribuer à la reprise sauf en cas de guerre commerciale. Les risques pesant sur la croissance restent néanmoins orientés à la baisse, notamment si la consommation et l’investissement ne se redressent pas comme prévu.
Interrogée sur les effets de la politique américaine de l’administration Trump pour l’Europe, elle a estimé que peu de choses tangibles avaient été annoncées jusqu’à présent et que la BCE en tiendrait compte en temps voulu.
Les conditions de financement restent restrictives. Le débat sur le taux neutre est clairement prématuré.
Sur le dernier trimestre 2024, la croissance de la zone euro marque le pas en restant stable. Cette faible activité s’explique par le repli de croissance en Allemagne (-0,2% en glissement trimestriel vs -0,1% attendu) mais aussi en France (-0,1% en rythme trimestriel vs attendu stable) alors que l’Hexagone fait face à un nouveau coup de frein de son investissement et de son commerce extérieur.
Notre avis : Comme indiqué à Davos, le taux normatif est plutôt vu autour de 1.75%-2.25%. Vu la confiance de Lagarde dans le processus de désinflation, nous estimons qu’une nouvelle baisse le 6 mars est très probable. Une pause en avril reste encore dans les anticipations mais nous estimons que la BCE fera le choix de baisser à nouveau ses taux directeurs pour au moins atteindre la borne haute du taux normatif qui vient d’être communiqué. Nous visons 2% voire 1.75% dès le mois de juillet. Dans ce contexte, l’euro pour sa part restera affaibli face au dollar
DeepSeek : un vent de panique ?
Pourquoi un tel vent de panique ? Les investisseurs craignent la concurrence de DeepSeek, une IA made in China vantant un modèle low-cost. Ce robot conversationnel est devenu l’application la plus téléchargée sur l’App Store, supplantant ChatGPT, développé par l’entreprise américaine OpenAI. On commence à en savoir plus sur la start-up à l’origine de ce nouveau modèle d’IA, gratuit, ouvert et en accès libre. Le modèle open source sur lequel repose DeepSeek pourrait faire émerger une nouvelle économie de l’IA à bas coût.
Développé par une start-up éponyme fondée par Liang Wengfeng, un prodige de la tech, et basée à Hangzhou, la « Silicon Valley chinoise » de l’est du pays, cet agent conversationnel offre de nombreuses fonctionnalités similaires à ses équivalents américains. DeepSeek a été lancé via un fonds spéculatif monté pour utiliser les mathématiques et l’IA dans le trading d’actions. High-Flyer a bâti son premier modèle d’IA en octobre 2016, avant de commencer à exploiter ces modèles pour développer presque toutes ses positions boursières en 2017. Il a ensuite recruté une équipe de recherche dédiée aux algorithmes d’IA. La conduite de recherches fondamentales en IA a permis à High-Flyer de devenir l’un des plus grands fonds quantitatifs du pays, selon l’hebdomadaire The Economist, avec un portefeuille passé de 1 milliard de yuans (130 millions d’euros) en 2016 à 10 milliards de yuans en 2019. L’ IA reste sous le joug de la censure chinoise. Cependant, cet outil subit de plein fouet la censure chinoise. Interrogé, par exemple, sur le massacre de la place Tiananmen à Pékin, le 4 juin 1989, DeepSeek affirme ne pas pouvoir « répondre à cette question », expliquant être « guidé par des directives visant à éviter les sujets sensibles ou controversés, notamment ceux liés à des événements historiques ou politiques complexes ».
Un modèle économique qui peut être disruptif. Ce robot conversationnel a surpris les experts par sa capacité à rivaliser avec ses concurrents occidentaux, notamment dans l’écriture de codes complexes, alors que ses fondateurs affirment n’avoir investi que 5,6 millions de dollars pour le développer. DeepSeek a su exécuter parfaitement un programme de rétro-ingénierie sur différents outils développés par les Occidentaux. Alors que la tendance dans le secteur semblait aller vers une consommation exponentielle de données, réservant l’avenir de l’IA aux géants capables de financer des data centers toujours plus vastes, les ingénieurs de DeepSeek ont réussi à créer des produits d’IA à un coût bien inférieur à celui des hyperscalers américains.
Une somme dérisoire comparée aux milliards dépensés par les firmes de la Silicon Valley pour obtenir un résultat quasi similaire. Tandis que les chatbots américains ont été conçus avec des puces haute performance, auxquelles la Chine n’a pas accès, DeepSeek a recours à des puces H800 disponibles sur le marché chinois. L’IA chinoise a également un code source ouvert, ce qui permet à tout le monde d’y avoir accès et de le modifier, contrairement à ses rivaux qui ont développé des modèles propriétaires. Cela signifie que DeepSeek n’a pas besoin des GPU les plus performants pour fonctionner, ce qui lui permet de réduire ses coûts opérationnels et donc d’offrir des prix plus bas à ses clients.
Donald Trump a jugé lundi que l’émergence de DeepSeek constituait un « avertissement » pour les industriels américains, les exhortant à « rester très concentrés sur la concurrence pour gagner ». La semaine dernière, le président américain a annoncé un plan de plus de 500 milliards de dollars pour renforcer l’IA aux États-Unis.
Un tournant dans l’économie de l’IA ? Pour résumer, la « révolution DeepSeek » vient du fait que, dans sa dernière version, ce modèle affiche des performances proches de celles de la dernière version de ChatGPT, mais à un coût 20 à 30 fois inférieur pour le client. Le PDG d’OpenAI, Sam Altman, a publiquement reconnu les prouesses de DeepSeek-R1, tout en promettant une riposte avec des modèles encore plus avancés. Il y a deux ans, lors d’une conférence en Inde, Sam Altman rejetait avec assurance l’idée qu’une start-up émergente puisse ébranler la suprématie d’OpenAI. Selon lui, la formation des modèles de base nécessitait des ressources inaccessibles aux nouveaux entrants du secteur.
Les premiers tests suggèrent que DeepSeek fonctionne à seulement 3 à 5 % du coût de calcul de ses concurrents, ce qui le rend plus de 20 fois plus efficace
Notre avis : Les inconnues restent nombreuses autour de la start-up chinoise, mais d’autres annonces devraient suivre. Il est encore trop tôt pour se prononcer sur la viabilité de son modèle économique ou sur sa sécurité. Les régulateurs français et italiens s’interrogent sur son fonctionnement et sur le respect de la vie privée des utilisateurs. Ce qui est certain, c’est que cela ne remet pas en cause la révolution liée à l’intelligence artificielle ; au contraire, cela devrait accélérer le processus en réduisant les barrières à l’entrée. Le nombre d’acteurs dans le secteur va croître plus rapidement qu’anticipé et les prix vont baisser. L’affaire DeepSeek est d’une importance majeure, car elle pourrait avoir un effet déflationniste et impacter l’ensemble de la chaîne de valeur. D’un point de vue macroéconomique, cela pourrait être une bonne nouvelle. Toutefois, pour certaines entreprises, les modèles fondés sur des taux de croissance et des marges insolents pourraient être remis en cause. Si les nouvelles versions du fabricant chinois ont ébranlé les investisseurs de certaines entreprises, elles devraient être une source d’optimisme pour le monde entier. DeepSeek démontre comment la concurrence et l’innovation peuvent rendre l’IA moins chère et donc plus accessible et utile.
Chart of the Week: Décomposition du PIB français
France : Les dépenses finales (consommation, investissement) privées n’ont apporté que +0,1 point de croissance contre +0,6 point pour les dépenses publiques.