Les trois informations de la semaine à ne pas manquer et ce que nous en pensons
1. Le japon en demi-teinte.
2. Une économie US contrastée
3. États-Unis et Chine : trêve commerciale
Chart of the week

Le japon en demi-teinte.
L’économie japonaise commence l’année sur une note prudente, peinant à reprendre la tendance de fin 2024. Selon les dernières données publiées pour le premier trimestre 2025, le produit intérieur brut se contracte de 0,2 % en rythme séquentiel, alors que les économistes tablaient sur un recul plus modéré de 0,1 %. C’est la première baisse depuis un an, après une progression de 0,6 % au quatrième trimestre 2024. Ce ralentissement tient principalement aux incertitudes entourant les échanges internationaux : la contribution des exportations nettes est retombée dans le rouge (-0,8 % contre +0,7 % au T4 2024), à rebours de la plupart des économies avancées qui avaient profité d’effets d’anticipation à la suite des tensions commerciales sino-américaines. Les importations ont, elles, rebondi de manière inattendue, symptôme probable d’une stratégie de constitution de stocks préventive chez les industriels. Sur le front de la demande intérieure, la consommation des ménages reste atone : elle n’a pas progressé (+0 % par rapport au trimestre précédent), traduisant toujours une érosion du pouvoir d’achat face à une inflation qui s’est intensifiée, notamment dans l’alimentaire (le prix du riz ayant connu une flambée en mars). En revanche, les investissements des entreprises offrent un point d’ancrage : ils ont crû de 1,4 % sur trois mois, contre +0,8 % au trimestre précédent, révisé à la hausse. Sur un an, la croissance reste solide (+1,6 % au T1 2025).
Dans l’actualité diplomatique, un troisième round de négociations commerciales s’ouvre prochainement entre Tokyo et Washington : le vice-ministre des Finances Ryohei Akazawa doit se rendre à Washington d’ici à quelques jours pour finaliser un « package » incluant l’ouverture accrue du marché agricole japonais, la levée des barrières non tarifaires dans l’automobile et des accords de coopération sur la construction navale. À ce stade, aucun calendrier précis n’a encore été officialisé. Malgré ce contexte de vigilance, les perspectives salariales pourraient redonner de la vigueur à l’économie : la prochaine hausse des rémunérations, encouragée par une main-d’œuvre toujours rétrécie et la compétition pour attirer les talents dans les secteurs de pointe (notamment l’intelligence artificielle et les énergies renouvelables), devrait pérenniser la dynamique inflationniste.
Dollar versus Yen

Notre avis : Dans ces conditions, la BoJ reste en mesure de relever ses taux directeurs de 25 points de base au troisième trimestre (jusqu’à 0,75 %), puis semestriellement jusqu’à la fin 2026, pour atteindre 1,25 %, alimentant ainsi les pressions à la hausse sur le yen et sur les rendements obligataires japonais.
Une économie US contrastée
L’économie américaine a livré un portrait contrasté en avril, alors que les premières conséquences des récentes hausses de droits de douane commencent à se faire sentir. Pour le deuxième mois consécutif, les ventes au détail dépassent de justesse les attentes, à +0,1 % contre +0 % prévu. Mais ce léger surcroît de dynamisme masque des disparités : les ventes automobiles restent particulièrement robustes, près de 7 % au-dessus de la moyenne de 2024, soutenues par le relèvement de 25 points des droits de douane sur les véhicules entré en vigueur début avril. À l’inverse, les achats hors automobile déçoivent, avec seulement +0,1 % (vs +0,3 % anticipé), et, pour la troisième fois en quatre mois, les ventes réelles reculent , un signe de morosité croissante parmi les ménages. Du côté de la production, les prix à la production enregistrent une surprise baissière : –0,5 % sur le mois ramenant la hausse annuelle du PPI total à +2,4 % en avril (après +3,4 % en mars, révisé de +2,7 %). Hors énergie et alimentation, l’inflation en sortie d’usine ralentit nettement à +3 % sur un an. Combiné à la trêve relative observée dans les prix à la consommation, ce ralentissement augure d’un PCE d’avril plus maîtrisé, un indicateur clé pour la Réserve fédérale.
La production industrielle stagne à +0 % tandis que le taux d’utilisation des capacités de production poursuit sa tendance baissière. Les promoteurs immobiliers, eux, affichent un moral déprimé : l’indice NAHB chute à son plus bas niveau depuis novembre 2023, plaçant septembre 2024 parmi les pires niveaux de la dernière décennie. L’enquête Empire State de la Fed de New York, bulletin mensuel du secteur manufacturier, recule également en mai, laissant présager un indice ISM manufacturier toujours sous tension. Ces statistiques n’envoient pas encore de signal d’alerte mais dans le détail, les biens hors énergie et alimentaire augmentent rapidement (+2,5 % sur un an) : un premier indicateur que l’impact des surtaxes finira par se répercuter sur l’ensemble de l’économie, une dynamique que Wal-Mart a illustrée en annonçant que les droits de douane seraient partiellement refacturés aux consommateurs dès fin mai, puis plus largement en juin. Confrontés à ces vents contraires, les ménages américains puisent dans leur épargne post-Covid largement consommée et voient leur accès au crédit freiné par des taux élevés. Après un pic de dépenses en mars, les achats au détail ont reculé en avril, tandis que les indicateurs de confiance chutent.

Notre avis : Ce scénario favoriserait un rebond de l’inflation vers 3 % sur l’année, entamant une partie du pouvoir d’achat des ménages et obligeant la Fed à veiller de près au risque de désancrage des attentes d’inflation. Les statistiques économiques des prochains mois seront déterminantes aux Etats-Unis pour mieux appréhender les effets de la forte remontée des droits de douane. En effet, le passage d’un taux effectif à peine supérieur à 2% à un taux d’environ 15% est totalement à l’inverse de ce qui a eu lieu au cours des dernières décennies et constitue un plongeon dans l’inconnu. Face à ces prémices inflationnistes et à l’affaiblissement de la demande, la Fed devrait maintenir ses taux directeurs à leur niveau actuel lors de sa prochaine réunion. À moyen terme, le ralentissement de la croissance et de la consommation freinera le marché du travail, autre critère décisif pour la banque centrale, ouvrant la voie à une baisse de taux d’ici la fin 2025. Objectif 10 ans US : 4%-4.5%
États-Unis et Chine : trêve commerciale
Après plusieurs semaines marquées par une vive escalade des tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine, l’accord trouvé entre les deux puissances se révèle finalement plus prometteur qu’attendu. Dans un communiqué commun, Pékin et Washington ont annoncé la suspension temporaire, pour une durée de 90 jours, d’une partie des droits de douane instaurés ces dernières semaines. Les tarifs américains à l’égard de la Chine passeront ainsi de 145 % à 30 % (incluant les 20 % mis en place depuis mars en lien avec le fentanyl), tandis que ceux appliqués par la Chine aux États-Unis retomberont de 125 % à 10 %. Ces nouveaux taux s’ajoutent à ceux déjà en vigueur, autour de 20 % pour chacun des deux pays : les exportations chinoises seront donc taxées à près de 50 % et les exportations américaines à environ 30 %.
Le secrétaire américain au Trésor, S. Bessent, a salué le consensus entre les deux partenaires sur la volonté de maintenir des relations bilatérales et d’établir un mécanisme de consultation pour poursuivre les discussions en vue d’un accord commercial plus durable. Ce compromis confirme que 10 % constitue un plancher et que les droits de douane effectifs moyens devraient s’élever autour de 15 % pour les importations américaines (contre environ 2 % en 2024). D. Trump a d’ailleurs affirmé ce week-end que ce taux de 10 % serait le niveau minimum.
Après une désescalade rapide entre la Chine et les États-Unis, Pékin a toutefois émis des réserves quant à l’accord commercial conclu la semaine dernière entre l’administration américaine et le Royaume-Uni. Ce premier « deal » pénaliserait la Chine en contrainteant les chaînes d’approvisionnement des entreprises britanniques à satisfaire les « US requirements ». Dans une interview au Financial Times, un conseiller du gouvernement chinois déclarait : « China will need to respond – the UK should not have rushed to agree to the deal. »
Le coût d’expédition des marchandises depuis la Chine augmente alors que la trêve tarifaire stimule la demande

Notre avis : Le degré d’optimisme qui prévaut actuellement sur les marchés financiers nous semble toutefois excessif, et l’idée d’une économie américaine fragilisée n’est pas encore partagée de manière consensuelle. Même si nous restons prudents à court terme sur les pays émergents : leur positionnement, très dépendant des États-Unis, laissant peu de marge de manœuvre, nous demeurons plus constructifs sur la Chine. La volatilité sera exacerbée par les allers-retours entre tensions et apaisements avec Washington. La Chine conserve une capacité de négociation (comme en témoigne ce moratoire)— bien supérieure à celle de 2018.La principale inconnue reste désormais l’attitude de l’Europe, sur laquelle nous affichons un certain optimisme. Nous ne savons pas encore si l’Union européenne devra, dans le cadre de ces négociations, choisir le camp de D. Trump contre la Chine et, ce faisant, s’engager à son tour dans une guerre commerciale qui nuirait aux deux parties.